0211 Viens Voir, Je Te Dis .
« Les grandes transformations se font à petits pas. Pose une pierre chaque jour, nabandonne jamais ta construction, et lédifice grandira. Combats le doute et la paresse. Tiens constamment ton esprit en éveil. Observe, comprends et aime. »
Après une matinée à cheval, après le repas tiré de nos sacoches au bord de la rivière, je ressens une douce fatigue menvahir et jadhère volontiers à lidée dune demi-heure de sieste avant de repartir. Lun après lautre, les cavaliers sallongent sur lherbe et se mettent en veilleuse.
Je mallonge sur lherbe à mon tour, alors que Jérém séloigne pour griller une clope. Le ciel est dun bleu profond, le soleil est toujours là, il chauffe ma peau, le clapotis de leau dans le ruisseau me berce. Les chevaux paissent autour de nous. Cest reposant de regarder ou même simplement écouter les chevaux brouter. Je me sens peu à peu glisser dans les bras du Morphée de la sieste.
Mon repos est de courte durée, une caresse légère sur le dos de ma main moblige à rouvrir les yeux. La première image qui se présente à moi, cest le visage de Jérém, illuminé dun petit sourire coquin.
« Viens voir
» il lâche discrètement.
« Quest-ce qui se passe ? ».
« Viens voir, je te dis
».
Je me lève, tout aussi discrètement. Le bogoss me devance. Je le suis, intrigué. Au bout de quelques pas, lorsque nous sommes hors de la vue des cavaliers, Jérém matt la main, adorable.
Jérém continue davancer à grand pas, nous rentrons dans la forêt.
« On va où ? ».
« On y est presque
».
« Oui, mais on va où ? ».
« Je vais te montrer un truc
».
Le bogoss finit par sarrêter devant une paroi rocheuse abrité par une épaisse végétation.
« Nous y voilà
» fait-il, lair fier de lui.
« Alors, tu veux me montrer quoi ? ».
Et là, pour toute réponse, le bogoss me plaque contre la paroi, il colle son torse contre mon torse, son bassin contre le mien et membrasse à pleine bouche, à pleine langue.
« Jai envie de toi
» il me chuchote à loreille, tout en la mordillant, très sensuellement.
« Ici ? Maintenant ? ».
« Ici et maintenant
».
« Tes sûr ? »
« Ouais
grave
».
« Tas pas peur quon se fasse gauler ? ».
« Personne va venir nous chercher ici
de toute façon, ils sont tous en train de roupiller
».
Le bobrun défait ma braguette, se met à genoux devant moi, il sort doucement ma queue de mon boxer, il la prend dans la bouche et il commence à me sucer. Ses deux mains glissent sous mon t-shirt pour aller exciter mes tétons avec des caresses avisées, je tremble de plaisir. La chaleur douce et humide de sa bouche me fait frémir, les va-et-vient de ses lèvres, les caresses de sa langue me font frissonner. Et ses cheveux bruns qui effleurent mon bas ventre au gré de ses mouvements alternés me font délirer.
Jérém semble prendre de plus en plus de plaisir à me faire des gâteries. Et cest certainement parce quil prend du plaisir, quil fait ça de mieux en mieux. Quand je pense que lors de notre première révision, il ne ma même pas touché, mis à part avec sa queue : on en a fait, du chemin, depuis.
Alors, quand je regarde ses beaux cheveux onduler au gré de ses va-et-vient, quand je vois ma queue disparaître entre ses lèvres, jai encore du mal à réaliser que tout cela est bien réel. Et pourtant, ça lest. Incroyable, et pourtant réel. Réel et terriblement bon. Si bon, mais aussi un brin déroutant.
Depuis que jai eu envie de Jérém ça fait trois ans, trois ans parsemés dinnombrables branlettes, et dune infinité didée lubriques avant notre première « révision » et encore plus depuis que jai découvert sa virilité, à chaque fois que jai pensé et que je pense à ce dont jai envie avec lui, voilà que mon désir, mon instinct premier est doffrir à mon bobrun un plaisir de mec actif.
Sa virilité me fascine, son plaisir de mec me fascine, et jaime lidée dêtre celui qui lui donne ce plaisir.
Aussi loin que je me souvienne, jai depuis toujours eu des fantasmes de passif. Et ce « jeu de rôles » qui a régi nos « révisions » jusquà il y a peu lui exclusivement actif, moi exclusivement passif a assouvi ces fantasmes au-delà de mes espoirs les plus fous.
Et, en même temps, ça a façonné ma sexualité, une sexualité qui sest construite autour de la célébration dune virilité, la sienne, qui mensorcèle. Son plaisir à lui, est devenu mon plaisir à moi. Son orgasme, a souvent déclenché mon propre orgasme. Pendant de mois, je nai connu rien dautre que ça, avec lui. Jaimais tellement moccuper de sa virilité que ça navait aucune importance que la mienne soit oubliée, presque effacée : bien de fois, jai pris tellement de plaisir à me faire secouer par mon bomâle, au point que je nai même pas eu besoin de jouir pour être sexuellement comblé.
Mais, depuis peu, cela a un peu changé. Jérém a voulu essayer autre chose. Et, par ricochet, me faire découvrir autre chose. Depuis quil me prend dans sa bouche, je découvre de nouvelles envies : de me faire sucer jusquau jus, de jouir dans sa bouche. Lorsque Jérém me suce, il me donne des envies dactif, des envies qui effacent ou qui perturbent mes envies de passif. Lorsque Jérém me suce, lenvie de jouir comme un mec actif, me ferait presque oublier à quel point sa virilité me rend dingue.
Au fil de nos « révisions », jai fini par croire que je ne serais jamais que passif, à fortiori avec un mâle aussi dominant que Jérém. Cette conviction était lun des fondements sur lequel se basait le plaisir que je prenais avec lui.
Maintenant, le fait de découvrir que je peux prendre mon plaisir autrement, et même avec un mec comme Jérém, ébranle ce fondement de ma sexualité, et me fait poser bien de questions.
En attendant, lorsque Jérém me suce, quand il me laisse « prendre sa place », jai envie de faire comme lui : parfois jai envie denvoyer des coups de reins, comme il sait si bien le faire. Jhésite, de peur que cela ne soit trop pour lui. Différents plaisirs génèrent différentes attitudes, différents besoins, différents ressentis.
Mais aujourdhui, peut-être à cause de la situation inédite, à peine croyable, osée au plus haut point jai trop envie dessayer un truc. La peur de nous faire gauler aurait pu couper tous mes moyens. Au contraire, force est de constater quelle a quelque chose de terriblement excitant. Et cela me donne des ailes. Alors, aujourdhui, jose. Jose glisser une main derrière sa nuque, jose faire onduler légèrement mon bassin, jose envoyer quelques timides coups de reins. Presque instantanément, Jérém lève ses yeux, il plante son regard dans le mien. Et cest un regard à la fois surpris et intrigué.
Surpris à mon tour, jarrête mes coups de reins et jéloigne ma main de sa nuque. Et là, sans quitter ma queue, Jérém recule un peu, jusquà ce que sa tête se retrouve en appui contre la paroi rocheuse. Ses deux mains agrippent fermement mes fesses, attirent mon bassin vers son visage. Le bogoss avale à nouveau ma queue. Ses mains attnt mes hanches, leur imprimant un mouvement de va-et-vient assez puissant. Encouragés par ses gestes, mes coups de reins suivent la cadence.
Ses mains, leurs gestes, leur impatience, semblent demander de plus en plus de puissance à mes va-et-vient, de plus en plus dintensité. En fait, ses mains semblent demander à mon bassin denvoyer la même puissance que le sien a parfois envoyé dans ma bouche.
Sa tête coincée entre la paroi et mon bassin, mes mains appuyées contre la paroi rocheuse, ma queue en train de coulisser entre ses lèvres. Cela nest pas sans me rappeler certains moments très chauds dans lappart de la rue de la Colombette, mais avec les rôles inversés. Notamment notre première « révision ». Cest là que je me rends compte à quel point ce que je suis en train de vivre paraît irréel. Non seulement le plus beau mec de la Terre est en train de me sucer, mais il accepte, il demande, il mincite pour que je lui baise la bouche.
Alors, jy vais franco, car le bogoss semble en demander toujours plus, toujours plus fort, toujours plus rapide. Jy vais tellement franco que je sens très vite mon orgasme approcher. Dès lors, je nai plus quune envie, celle de jouir, et de jouir dans sa bouche. Je suis tellement excité, tellement proche de perdre pied, que je suis à deux doigts de lui balancer : « Je vais jouir
vas-y
avale
».
Puis tout sarrête dun coup, lorsque ses mains repoussent soudainement mon bassin. Mon bobrun reprend sa respiration, une respiration bruyante comme sil avait été en apnée (je connais très bien cette sensation, le bonheur de s avec la queue dun mec à qui on a envie de faire plaisir).
Quelques instants plus tard, Jérém est debout, en train douvrir la braguette de son pantalon déquitation. Il en sort sa queue bien tendue, le gland déjà luisant de ce liquide qui, parfois, marque lexcitation dun garçon. Il a dû kiffer un max ce quon vient de faire, pour que cela se produise.
Et alors que je suis happé par cette braguette ouverte doù dépasse sa queue, belle, tendue, frémissante, je suis définitivement assommé par son geste, celui de relever le t-shirt sans manches et de le coincer derrière le cou, découvrant ainsi son mur dabdos et son relief de pecs, ce dernier recouvert dune douce pilosité qui me rend dingue.
Un instant plus tôt jétais sur le point de jouir dans sa bouche, me demandant si je nétais pas en train de devenir actif pour de bon. Mais un instant plus tard, dès que je me retrouve à genoux devant lui, devant cette attitude de mec qui a très envie de se faire sucer, dès que sa queue tendue et chaude envahit ma bouche, dès que le petit goût délicieux de son gland humide fait pétiller mes papilles : voilà, je retrouve intact tout mon instinct de mec passif.
Ainsi, il suffit dun geste, dune attitude, dune image, dune position, pour que je retrouve mes repères de mec qui aime faire plaisir à un mec actif.
Alors, je le suce. Je le pompe dans le seul but de le faire jouir le plus vite possible, le plus fort possible. Je connais par cur les endroit à titiller pour lui faire vraiment plaisir, alors, je ne men prive pas. Dautant plus que ses doigts ne cessent de jouer avec mes tétons, décuplant ainsi mon instinct retrouvé de le faire jouir comme un fou.
Les parfums entêtants de sa peau, du gel douche, du déo, ainsi que les délicieuses petites odeurs de de sa virilité se mélangent avec les odeurs que nos chevaux ont laissé sur nos vêtements, avec les odeurs de terre, de végétation, de nature. Mélange délicieux, celui entre la sexualité de mon bobrun et cet environnement montagnard si naturel et authentique.
Je le suce de plus en plus fort et le bogoss halète de plaisir : cest une douce musique pour mes oreilles. Jai vraiment envie de goûter à son sperme. Mais une fois encore le bobrun a dautres projets en tête.
Dabord, il ôte son t-shirt, il laccroche à une branche basse. La vision de son torse nu massomme. Puis, il me fait relever dun coup, il me fait retourner, il me plaque face contre la paroi. Je me retrouve le dos plié à 45 degrés, mon front pressé sur mes avant-bras pliés lun sur lautre.
Le bras de Jérém contournent mes hanches, ses mains défont ma braguette. Le bogoss descend mon pantalon de cheval jusquà mi-cuisse, et mon boxer avec. Je me retrouve les fesses en lair, en pleine nature, à quelques dizaines de mètres du bivouac où une quinzaine de personnes sont en train de faire la sieste.
Je lentends cracher dans sa main, je ressens le contact de ses doigts étalant la salive à lentrée de mon trou. Je frémis. Je tique un peu, mais je me laisse faire. Le désir est trop fort. Je lâche prise, jaccepte de perdre le contrôle face à sa fougue de mâle en rut.
« Jai envie de toi
» je lui chuchote, comme dans un état second, alors que mon envie vient une fois de plus dentrer en résonnance avec la sienne. Oui, quelle quelle soit lenvie de mon bobrun, elle devient instantanément la mienne.
« Jai envie de te remplir
» il lâche, alors que son gland gagne lentement mais inexorablement la résistance de mes muscles.
« Vas-y, fais toi plaisir
».
« Quest-ce que je laime, ce petit cul
».
« Il est à toi
gicle lui dedans
».
« Je vais te remplir
».
Et le bogoss entreprend de me pilonner. Et cest terriblement bon. Je sens que Jérém a envie de jouir vite, ses gestes trahissent son empressement. Je sens que mon bobrun est très excité. Mais je sais aussi que lheure avance, que la sieste générale va bientôt prendre fin, et que nous devons revenir au bivouac sous peu.
Très vite, les coups de reins de mon bomâle ralentissent, son torse vient épouser mon dos, son souffle vient chatouiller mon cou et ma nuque, ses mots viennent machever :
« Je te remplis
».
« Oh oui
».
Et pendant que le bogoss ahane sur mon cou, pendant que ses grognements étouffés me parlent des giclées quil est en train de lâcher en moi, je jouis à mon tour, sans même me toucher. Je ne lai pas senti venir, et lorgasme me surprend comme une tornade, il balaie ma conscience, me fait disjoncter.
« Je viens aussi
» jannonce à mon tour, déjà submergé par le plaisir.
« Trop bon
trop bien
» je lentends lâcher, la voix assommée par la puissance de sa jouissance.
Nous jouissons ensemble, et nos orgasmes samplifient mutuellement. Cest comme de lénergie qui circule entre nous, lénergie du plaisir entre nos corps connectés. Sa semence vient en moi et me fait lâcher la mienne, son orgasme déclenche mon propre orgasme, décuplé par sa présence en moi.
Jérém vient de jouir en moi, et il vient de me faire jouir. Je suis fou de plaisir. Le bomâle est toujours en moi, il me serre fort contre lui, il me fait plein de bisous dans le cou, sur les oreilles, sur la joue. Sa bouche cherche ma bouche, qui se laisse trouver.
Lorsque le bogoss se déboite de moi, tout en douceur, je me retourne illico, je le serre à mon tour contre moi. Nous nous retrouvons torse contre torse, queue contre queue, la sienne est toujours aussi raide que la mienne. Je suis brûlant de plaisir, et de cette ivresse du corps et de lesprit qui suit lorgasme avec le gars quon aime. Et, apparemment, Jérém semble ressentir la même ivresse.
Je lembrasse comme un fou, il membrasse tout aussi fébrilement. Le contact avec les poils doux de son torse me rend dingue, je ne peux mempêcher de poser des bisous entre ses pecs, de caresser encore et encore, de plonger mon nez dans sa pilosité brune à la recherche de lodeur virile de sa peau.
« Ah, putain
ces pecs
et ces poils
» je ne peux mempêcher de laisser échapper, happé par une sorte dextase tactile.
« Tu les kiffes mes poils, hein ? ».
« Ah, oui, grave ! Surtout, ne les coupe plus jamais, ok ? ».
Le bogoss me fait un bisou, il me serre dans ses bras. Je replonge mon visage dans ses poils, je suis groggy.
« Promis
» finit par chuchoter mon Jérém.
Jérém vient de me faire la promesse de ne plus jamais toucher à cette belle toison de bomâle brun et cela me fait vraiment plaisir. Non seulement parce que je kiffe ces poils, mais parce que le bobrun semble vouloir tenir cette promesse pour me faire plaisir. Hélas, il sagit dune promesse que le bogoss ne tiendra pas longtemps.
Un instant plus tard, toujours torse nu, mon bobrun sappuie avec le dos contre la paroi rocheuse. Le corps encore vibrant de plaisir, les pecs bien saillants, les abdos dessinent les mouvements dune respiration profonde, après leffort. Je ne peux mempêcher de lembrasser une dernière fois.
« Cétait trop bon
» je lui glisse à loreille.
« Men parle pas
jai la tête qui tourne
».
En effet, mon Jérém a lair vraiment secoué. Mais très vite, il att son t-shirt gris sans manches, il le passe, cachant sa nudité spectaculaire. Puis, il se laisse glisser lentement le long de la paroi, jusquà se retrouver en position assise. Il sort son paquet de clopes, il en allume une. Je massois à mon tour sur le sol, les jambes en tailleur, juste à côté de lui. Nos bras, nos coudes, nos épaules se touchent. Quest-ce que jaime sentir sa proximité, le contact avec son corps.
« Tes vraiment fou
» je le cherche.
« Je te lavais dit que je ne tiendrais pas jusquà ce soir
».
Jérém me regarde, un beau sourire sur son visage, et il lâche :
« Cest fou comme on séclate
».
« Cest vrai
cest dingue
».
Ma main cherche sa main. Nous restons quelques secondes assis côte à côte, en silence, nos doigts entrelacés. Cest juste magique.
« Nous devrions y aller je pense
».
« Attend un peu, Nico
».
« Ils vont finir par trouver suspect quon ait disparu tous les deux
».
« Attends encore un peu, je te dis
» il insiste.
« Pourquoi, donc ? ».
« Ça se voit sur ton visage que tu viens de tenvoyer en lair
»
« Cest vrai ? »
« Oui, tes tout rouge
attends un peu
».
En effet, lorsque je le regarde, je vois moi aussi sur son visage à lui les signes la moiteur de la peau, une rougeur sur le front et les joues, la pupille pétillante, la paupière lourde qui indiquent quil vient tout juste de jouir. Alors, je nai pas de mal à imaginer que mon visage doit afficher le même bonheur.
Une poignée de minutes plus tard, en revenant vers le bivouac, je me dis que ma première fois dans la nature a été tout simplement géniale.
Au bord de la rivière, les autres cavaliers sont déjà en train de seller. Ce qui nefface pas pour autant la gênante sensation davoir de dizaines dyeux braqués sur nous, sur moi, comme si je portais sur moi non seulement les marques, mais les preuves évidentes du plaisir qui vient de me secouer. Cela ne doit être que dans ma tête, mais je narrive pas à le chasser.
« Vous étiez passés où ? » nous accueille Charlène.
« Nous avons fait un tour dans la forêt
».
« Ça fait dix minutes quon vous appelle
».
« On a pas entendu
».
Soudainement, jai limpression que le regard clair et pénétrant de Charlène arrive à percer à jour les petits mensonges de son protégé. Ses yeux font des aller-retour incessants de Jérém à moi et en sens inverse, comme si elle cherchait à sonder nos regards, à lire sur nos visages empourprés par le plaisir la vérité maladroitement dissimulée derrière lexplication de façade.
Est-ce que dans lexpression de nos visages échaudés (je réaliserai plus tard que les visages peuvent garder assez longtemps les traces de lextase du plaisir), dans lattitude de nos corps encore vibrants de lorgasme qui les a traversés voilà peu (là aussi, lexpérience mapprendra que les corps qui viennent de se faire mutuellement plaisir ne peuvent sempêcher dadopter des postures et des attitudes réciproques qui ne trompent pas) ; est-ce que dans notre complicité, lexcessive proximité des êtres qui saiment, Charlène a pu deviner ce qui vient de se passer à quelques dizaine de mètres de là ?
Peut-être que je me fais des idées, peut-être que cest juste mon inconscient qui me joue des tours : quand on se sent « coupable », on limpression que tout le monde nous observe, que tout le monde nous pointe du doigt.
Mais, apparemment, elle nest pas la seule à se poser des questions.
« Cétait bien la balade en forêt ? » fait Loïc de but en blanc.
« Oui, cest beau par ici
» je tente de donner la réplique.
« Nico ne connaît pas, je lui ai fait découvrir
» fait Jérém à son tour.
Une question anodyne, celle de Loïc, dans laquelle jai pourtant limpression de déceler une pointe de malice, un subtile sous-entendu. Une impression qui devient certitude lorsque Loïc, en passant tout proche de nous avec sa jument tenue en longe, il lance discrètement à Jérém :
« Tas remis le débardeur à lenvers
».
Soudain, le regard de Jérém prend un air surpris, perturbé, désorienté, agacé, tout à la fois. Et moi avec lui. Jai limpression de ressentir en moi ce quil ressent, le même état desprit, la même sensation se sêtre fait gauler.
Mais putain, comment jai pu, moi qui je ne quitte pas mon bobrun des yeux, ne pas men rendre compte ? Comment je nai pas pu faire gaffe à cette couleur moins brillante du coton gris, à ces coutures en relief, signes incontestables que le t-shirt a été passé à lenvers ? A croire que le plaisir quon sest donné ma complètement retourné.
Quoi quil en soit, Loïc a vu juste, et ses mots ne sont pas choisis au hasard. Dabord, la discrétion dont il a fait preuve en lâchant ces quelques mots, des mots qui sonnent à la fois comme un avertissement bienvenu « fais gaffe, les autres pourraient le remarquer aussi » mais aussi comme une moins agréable notification « jai compris ». Dautant plus que le choix du mot « remis » implique que ledit débardeur a été dabord enlevé, puis remis.
Est-ce que Charlène a vu la même chose ?
Au bout de quelques secondes, sans un mot, Jérém allume une nouvelle clope. Il fait quelques pas, il se faufile à labri dun regroupement darbres, et il enlève le t-shirt gris pour le remettre à lendroit. Pendant une seconde, son torse sculpté fait son apparition, à moitié caché par la végétation. Jérém a voulu la jouer discrète. Et ça aurait pu marcher. Mais cétait sans compter avec le regard omniprésent de Satine, et avec ses observations pétaradantes.
« Ah, un bogoss à poil, je vais défaillir
» elle surjoue, dans le but de faire rire la galerie.
Mais en même temps, ses mots ont pour effet de déstabiliser le bogoss, qui laisse tomber le t-shirt à ses pieds, et dattirer les regards et les remarques des autres cavaliers. Le temps quil récupère le t-shirt, quil secoue le feuillage qui sest accroché, et quil le passe sur son torse, la moitié des cavaliers, et surtout des cavalières, a pu se rincer lil sur la plastique sculptée.
« Ca cest un corps de rugbyman
» ouvre le bal Carine.
« Tu devrais toujours rester habillé de cette façon
» se fend Martine.
« Tu devrais faire le calendrier des dieux du stade ! » fait Arielle à son tour.
« On va toutes lacheter
» renchérit Nadine.
Un sifflement fend lair, en guise à la fois de remarque affectueuse et de moquerie. Cest toujours le même, celui qui nen rate pas une, jai nommé Daniel, le joyeux luron de la bande.
Jérém arrive enfin à passer son t-shirt, et il lance :
« Vous nêtes quune bande de nymphos
».
Jérém essaie de faire de lhumour, mais je perçois son malaise. Je men veux de ne pas avoir su lui éviter ce petit « accident » qui, je le sens, va laffecter. Heureusement, Loïc nest pas Satine et lhistoire du débardeur à lenvers na pas été criée sur les quatre toits. Jérém laurait vraiment mal pris.
En tout cas, désormais, il ny a plus de doute, Loïc sait. Et, sans doute, Sylvain va bientôt savoir aussi. Il ny a plus à espérer quils sachent tenir leurs langues.
Nous sellons nos montures, alors que certains cavaliers sont déjà en selle et nous font savoir leur impatience de repartir. Le fait dapprêter les chevaux semble détendre un peu mon bobrun. Jérém prépare Unico et maide à préparer Téquila. Mais il demeure silencieux et il évite toute familiarité à mon égard.
« Jai une proposition à vous faire les gars
» nous lance JP de but en blanc.
« On técoute
» fait Jérém, lair soulagé quon sadresse à lui pour autre chose que son corps.
« Moi et ma charmante épouse souhaiterions prendre le relais pour accompagner Nico
comme ça tu peux partir devant avec les autres et profiter de ton Unico
on vous laisse partir, et nous on se la fait calmos, en différée
».
« Avec Nico, cest plus que calmos
on ne fait que du pas
».
« Le pas est lallure reine de la balade
» assène JP. Cest son leitmotiv.
« Vous nallez pas arriver de bonne heure, tu sais
».
« Jai tout mon temps
je suis retraité, tu sais ? ».
« Ten penses quoi, Nico ? » me demande Jérém.
Lidée de me séparer de mon bobrun ne me plaît pas plus que ça. Mais dautre part, je ne peux pas obliger mon Jérém a faire du 3 km/heure pendant encore toute une après-midi. Il a été adorable de maccompagner le matin, mais jai bien senti quil sest fait chier. Il a aimé être avec moi, mais il na pas pu profiter de son étalon, de ses potes, de toute la palette de sensations que seule la pratique des trois allures est à mesure dapporter. De plus, JP et Carine minspirent confiance, je pense que je suis dans de bonnes mains. Alors, je décide de le libérer :
« Ecoute, on va le tenter ? ».
« Cest toi qui décides
si tu veux, je reste avec vous
».
« Vas-y, Jérém, profite de ton cheval et de tes potes
».
« Il faudrait vraiment surveiller les chevaux
vraiment
» fait Jérém. Jadore ce Jérém prévoyant, attentionné.
« On fera le nécessaire. De toute façon, nos chevaux nont plus lâge de faire des sprints. Mon Mojito à moi, cest désormais un Virgin Mojito. Quant au Tornade de Carine, il a été récemment déclassé en tourbillon de poussière
».
Lhumour de JP me fait rire, maide à déstresser avant de remonter à cheval. Car, oui, je suis en confiance avec ma Tequila, mais cela nempêche pas davoir une petite boule au ventre. Nous nous connaissons que depuis peu, et nous ne nous connaissons pas à fond.
« Je ne sais pas
» hésite Jérém.
« On va te le ramener tout entier, ton pote
» insiste Carine.
« Ok
on se retrouve chez Charlène, alors
» fait Jérém, tout en plantant une dernière fois son regard brun dans le mien, lair toujours hésitant.
« Allez, tire-toi
» lance JP sur un ton daffectueuse taquinerie.
Je regarde Jérém partir, mettre Unico au trot, puis au galop, pour rejoindre le groupe de tête qui a déjà disparu dans la forêt. Définitivement, mon étalon sur son étalon dégage une virilité redoutable. Quand je pense que sa queue était en moi encore quelques minutes plus tôt, alors que lécho de sa présence résonne encore dans ma chair et que je suis rempli par son jus, je me dis que jen ai de la chance !
Mon mâle me manque à linstant même où il disparaît de ma vue.
Nous laissons passer un bon quart dheure, un quart dheure pendant lequel JP se charge de me faire lui aussi un cours déquitation en accéléré.
En remontant en selle, je retrouve dans mon entrejambe le souvenir très vif de lamour avec mon bobrun.
Nous démarrons enfin nos montures et nous les laissons flâner au pas. Nous navons pas fait cent mètres que Carine commence à me questionner sur Jérém.
« Alors, il était comment au lycée ? Il se débrouillait bien ? Et au rugby ? Il a une copine ? Il est content de partir à Paris ? Vous êtes très proches ? Tu risques de ne plus le voir trop souvent quand il sera à Paris
».
« Arrête un peu de lui poser des questions. Laisse-le respirer un peu
» lance JP à sa femme, sur le ton de la rigolade. Puis, sadressant à moi : « ma femme cest la reine des questions. Dès quelle rencontre quelquun, elle lui fait passer un interrogatoire. Tant que tu ne lui dis pas gentiment « ta gueule », elle ne te lâche pas
».
La complicité de ce couple de toute une vie me fascine. Une complicité et une longévité conjugale dans lesquelles lhumour de Jean-Paul ne dois pas y être pour rien. Un humour qui, une fois de plus, maide à déstresser. Et qui, en plus, me permet de retrouver un silence propice pour me reconnecter aux perceptions sensorielles, mais également spirituelles, de la balade.
La terre, la roche, le ciel, le grand air : cest lespace.
Les arbres, la flore, lharmonie du végétal : cest la nature.
La faune sauvage, sur le sol, dans les airs, le cheval en tant que compagnon de balade : cest le vivant.
Les amis, la bonne humeur, le partage : cest le bonheur, le plus simple et le plus intense.
Au fil de la balade, sur le dos de Tequila, je découvre un nouveau bien-être, inattendu. Jai limpression de respire à pleins poumons pour la première fois de ma vie, limpression de me connecter avec la terre, la nature, le vivant, lhumain, le bonheur avec un grand B.
La balade moffre une nouvelle perception de lespace, du paysage, du vivant. Ainsi, pour la première fois de ma vie, jai limpression de regarder les monde dun tout autre point de vue que celui doù jai été habitué à lappréhender. Et pour la première fois, je me surprends à me poser de réelles questions sur ma place dans le monde, sur la place de lHomme dans le monde.
En ville, on vit dans lillusion davoir complètement dompté la nature, et on a tendance à oublier à quel point la toute-puissance de lhomme est un concept tout à fait bancale. Mais à la montagne, entouré de roches millénaires, plongés dans une nature majestueuse et immortelle, assis sur le dos dun cheval de 500 kg et doué dune puissance qui pourrait vous , on retrouve assez vite de lhumilité. Oui, cette balade minspire lhumilité.
Les passages dans la forêt salternent avec des points de vue dégagés sur la montagne et la vallée. Plus on avance, plus je me sens bien. Plus on avance, plus je me dis que, tout comme le sexe, la balade à cheval est une expérience qui touche tous les sens.
La vue, avec les paysages inhabituels, le points de vue différents, inconnus, inattendus. Lodorat, avec les senteurs typiques de lanimal, du cuir, de la nature. Le tact, par le contact avec la monture, la selle, les rênes. Louïr, le bruit du sabot qui tape au sol, le bruit du vent, du feuillage, la respiration des chevaux, les franches rigolades entre potes.
Pour le goût, je nai pas trouvé, javoue. Mais jai envie de parler dun sixième sens que je découvre aujourdhui et qui me bouleverse : cest la perception du temps.
En balade dans les bois, le temps semble se dilater, sécouler au ralenti. Mieux : il semble se faire discret jusquà disparaître, permettant le luxe doublier son existence. Oui, en balade, on oublie carrément le temps. Et cela narrive à priori que lorsquon se sent bien, vraiment bien.
Une seule chose manque à la beauté de ces instants pour quelle touche à la perfection absolue : la présence de mon bobrun, la possibilité de partager tout ce bonheur avec lui. Le paysage de la Joconde est beau, mais il ne suffirait pas pour faire de ce tableau un chef duvre.
Nous ne sommes partis que depuis une heure, et mon Jérém me manque déjà, beaucoup. Minute après minute, je me dis que, même si la compagnie de JP et Carine est plutôt agréable, laprès-midi sans mon bobrun ça va être long.
Je viens justement de me faire cette réflexion, lorsque, au détour dun chemin, une surprise mattend : elle a lallure dun cavalier brun, la cigarette un bec, assis sur une pierre à côté de son étalon bai foncé.
Dès que nos regards se croisent, le bogoss me balance un sourire charmeur et ravageur, un sourire agrémenté par un rapide haussement de sourcils et dun petit clin dil qui, pour peu, me feraient fondre sur place.
Jérém sourit, et c'est carrément un scandale, un truc absolument insupportable, parce que c'est juste pas NORMAL d'être aussi beau et charmant ! Car dans ce sourire il y a tout ce qui peut rendre un mec craquant : la sexytude, le charme, une bonne dose de coquinerie et de malice. Mais aussi, je vois très clairement dans ce sourire son bonheur de me retrouver, le bonheur que je représente pour lui. Jérém ne ma jamais encore dit « je taime », et pourtant son attitude depuis 3 jours ne cesse de le crier haut et fort.
Bref, tous les charmes de lHomme sont dans ce sourire. Un sourire, cest précieux, aussi chatoyant, aussi fugace que léclair : il ne dure quun instant, mais son souvenir nous marque à tout jamais, et cest un souvenir doux et agréable. Et notamment celui de lêtre aimé.
« Et alors, tu fais la sieste ? » se marre JP.
« Ça allait trop vite pour moi avec les autres
».
« Oui, cest ça
» se re-marre JP.
« Tu tinquiétais pour ton pote ? » fait Carine, en minaudant comme elle sait si bien faire (Carine est la démonstration vivante quon peut minauder même après la cinquantaine).
« Non, mais
si
un peu
» fait-il en lâchant un sourire à faire fondre les dernier glaciers de la planète.
« Tas vu, il est tout entier ».
« Cest bien
».
Et là, le bogoss met le pied à létrier. Puis, en faisant travailler lensemble de ses muscles, il quitte le sol avec un élan à la fois puissant et mesuré et il atterrit sur le dos dUnico avec une douceur incroyable.
« Cest beau dêtre jeune
» commente JP.
Nous démarrons nos montures. JP et Carine gardent leur place en tête du petit comité, alors que Jérém se place à côté de moi.
« Ça va ? » me demande le bogoss, alors que le couple vient de nous distancer de quelques mètres.
« Très bien, en toi ? ».
« Mieux
».
« Tu tinquiétais ? ».
« Je mennuyais de toi » il me glisse discrètement.
« Toi aussi, tu me manquais ».
Je suis tellement content de le retrouver et de partager la dernière partie de la balade avec lui. Et je suis encore plus content du fait quil ait eu envie de me retrouver, parce que je lui manquais. Jai tellement envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous.
« On dirait que le temps se gâte » fait JP peu après, le regard rivé vers les nuages qui samoncellent au loin et qui approchent. Cest vrai que la température vient de baisser brusquement. Dailleurs, Jérém vient de faire disparaître se bras puissants, ses biceps saillants et son t-shirt sans manches sexy à mourir sous son pull à capuche gris.
Le temps change très vite à la montagne. Le matin, lorsque le soleil brille dans le ciel, il nous apparaît comme étant la promesse dune longue journée de beau temps. Pourtant, quand on connaît un peu le relief Pyrénéen, on réalise vite que les nuages et le brouillard ne sont jamais trop loin, notamment en deuxième partie daprès-midi, et à fortiori au mois de septembre. Ça fait partie des charmes de la montagne, cette météo capricieuse et volubile.
Lorsque la grisaille prend soudainement la place du ciel bleu, rappelant lapproche de lautomne, nous faisant connaître le regret pour lété dont on na jamais assez profité, la tristesse peut prendre aux tripes, serrer le cur. Mais le bonheur dêtre avec Jérém, et dy être enfin si bien, arrive même à donner de magnifiques couleurs à ce ciel chargé et menaçant.
Nous avançons désormais dans un espace dégagé, offrant une ample vue sur le profil vallonné du paysage. Cest un paysage fait de roches sculptées par les millénaires, décoré par une végétation riche, fière, sauvage et indomptée, parcouru par les ombres chinoises que les nuages balayées par le vent dessinent sur les pentes.
Dans un pré en forte pente, un grand troupeau de brebis est en train de brouter tranquillement, lair pas du tout perturbé par le soudain changement de météo. Un peu plus loin, dans un petit enclos, une jument collée à son très jeune poulain. Le petit équidé démarre les politesses, en se mettant à hennir avec sa petite voix de bébé cheval. Dans la foulée, la petite famille monoparentale et nos quatre montures sappellent, se saluent. JP et Carine arrêtent leurs chevaux devant la porte de lenclos, à côté dune rigole où circule de leau claire.
« On fait une petite pause
» fait JP en descendant de son moyen de locomotions à quatre fers « on fait boire les chevaux
».
Jérém et moi en faisons de même. Les chevaux trempent aussitôt leurs naseaux dans leau. Sauf Tequila qui, fidèle à elle-même et à ses formes généreuses, semble préférer lherbe à la boisson.
Pendant ce temps, Jérém et JP échangent au sujet du bonheur de se balader à cheval. Un bonheur dont jai eu un petit aperçu aujourdhui, et que je comprends désormais.
Jérém a raison. JP est vraiment un gars génial. Lorsque je lécoute parler, je le trouve profondément inspirant. Ses mots, son discours dégagent un subtile mélange entre lexpérience de son âge, une profonde sagesse, et une jeunesse desprit quil a su garder intacts. Ainsi, le regard quil pose sur le monde semble être à la fois avisé et humble, ouvert, tolérant, sans préjugés aucuns. Mais aussi frais et pétillant, rempli de curiosité, jamais blasé, comme celui dun .
Depuis les tout premiers échanges, jai ressenti une grande estime pour ce monsieur. Il est des êtres, des esprits qui forcent ladmiration, qui dégagent ce quelque chose capable de faire ressortir instantanément le meilleur de nous-mêmes, de nous donner envie dêtre meilleurs. Quils aient 60 ans ou 19 ans, quils sappellent JP ou bien Thibault, le résultat est le même : leur présence est apaisante, rassurante, et nous fait sentir bien.
Le contact et léchange avec JP a un effet sur mon bobrun aussi, et pas des moindres : lorsque jentends Jérém discuter avec JP, jentends les mots et je vois lattitude dun homme. Oui, il est des êtres dont la seule proximité nous fait grandir.
A cet instant précis, je me sens tellement bien : lhomme que jaime est juste là, devant moi, entouré par la bienveillance de JP. JP qui, je le crois dur comme fer, il comprendrait notre amour, et il serait heureux pour nous.
« On ferait bien dy aller, avant dattr une saucée
» fait Carine, en remontant à bord de sa Tornade.
En effet, le ciel se couvre de plus en plus, les cymes accrochent les nuages, le brouillard dense remonte les pentes. Le ciel est menaçant, le vent de plus en plus fort. Et pourtant, un rapace brave les nuages épaisses.
Nous remontons à cheval, et nous repartons aussitôt. Nous traversons une petite rivière et nous pénétrons dans une région boisée. Soudain, les bruits de la balade le tambourinement cadencé du sabot sur le sol, le crissement du cuir, la respiration de lanimal me parviennent plus vifs que jamais, comme sils pénétraient dans mon corps et quils rentraient en résonnance avec les battements de mon cur et le rythme de ma respiration. Dans cette partie boisée, les odeurs de la balade du cuir, du poil, de la terre humide, de la végétation automnale, du bois me parviennent plus puissants que jamais, ils ménivrent, métourdissent.
Lorsque nous nous ressortons à découvert, et alors que nous amorçons la montée dune côté, les nuages sont désormais à laplomb de nos têtes, et tout devient gris et triste. Jai limpression de me trouver dans un film catastrophe. Les chevaux semblent nerveux, méfiants. Des grosses gouttes commencent à tomber, surprennent les animaux et les cavaliers.
Mais cela ne dure pas bien longtemps. Assez vite, le nuage passe, et un rayon de soleil arrive à se faufiler dans la grisaille, rendant illico les beaux couleurs au paysage, de nouveaux couleurs. Cest bluffant, presque déroutant, ce caractère bipolaire de la montagne, cette capacité à changer sans cesse de rôle, dhumeur, à passer avec désinvolture du soleil au mauvais temps, de la joie à lennui, de lespoir à la tristesse.
La côte devant nous parait interminable. Dautant plus que Tequila, qui a cherché l'herbe pendant toute la balade, ne cesse désormais de sarrêter pour arracher le moindre brin vert. Ce qui fait quelle est aussi maniable et réactive qu'on A380 sans ailes. Jusquà ce que, à un moment, elle s'arrête net, lair de ne plus vouloir avancer du tout.
« Tequilaaaaaaaaa! Maaarche! ».
« Tu sais à quoi elle me fait penser ? » fait JP en rigolant sous la moustache.
« Je ne veux pas savoir
» fait Jérém.
« Elle me fait penser à un Berlingo. Tu vois ces petites camionnettes bien pratiques pour transporter nimporte quoi mais avec un moteur de mobylette ? ».
« Nimporte quoi
».
« Cest pas nimporte quoi » persiste JP « moi je trouve au contraire que les ressemblances sont multiples
avec le Berlingo, elle partage les formes longilignes
dun cochon
».
« Ts ! ».
« Comme le Berlingo, elle a tendance à chauffer dans les montées ».
« Ça, cest pas faux
» admet Jérém.
« Comme le Berlingo, elle a des vitesses courtes, une capacité daccélération tout à fait théorique, un couple moteur impossible à atteindre
».
« Mais ta gueule ! ».
« Ceci dit, elle est adorable comme jument, et parfaite pour un débutant
».
Nous arrivons enfin sur le plat. Le vent na pas cessé, les nuages défilent toujours au-dessus de nos têtes. Unico a les oreilles dressés, les yeux dilatés, il narrête pas de remuer la tête, il a lair de plus en plus nerveux, il tire sans cesse sur les rênes.
Nous traversons une prairie longeant une clôture à moutons. Unico a toujours tête en lair et Jérém commence à sagacer. Nous arrivons face à un enclos avec deux chevaux.
Et là tout se passe en un éclair. Unico tire violemment sur les rênes, Jérém manque de peu de tomber. Ce dernier se fâche et lui met une baffe. Unico se cabre, Jérém se laisse glisser à larrière, en retombant sur ses pattes. Létalon se retourne, fait face à son cavalier. Ce dernier essaie de reprendre les rênes. Mais Unico, le défiant du regard, prend la tangente et part au grand galop.
Et là, sans crier gare, Tequila démarre au quart de tour et prend le galop derrière sa copinasse. Petit détail, qui a son importance : je suis toujours sur son dos !!!!!!!!!!!!!!
Sans transition ni préparation, je me prends direct le trot et menquille le galop, un très très grand galop, un allure qui na rien à voir avec celle du matin. Pris de panique je ne sais plus quoi faire. Je tire sur les rênes comme un malade, les mains à des hauteurs inimaginables. Je serre mes jambes, jappuie sur mes étriers, jessaie de me pencher en arrière pour tenter de larrêter. Mais rien ny fait. A un moment, elle semble ralentir. Tas quà croire, elle repart de plus belle, au triple galop.
A ce moment-là, je suis toujours sur son dos. Et je me pose mille questions. La fondamentale : Pourquoi ai-je acceptée de remonter à cheval ? (Jentends encore la citation de JP : le cheval est un moyen dangereux à lavant, à larrière
) La pratique : Comment larrêter ? Et enfin, la cruciale : quand et comment vais-je tomber ? Le fait est que plus ça va, plus ma jument semble avoir tendance à baisser son encolure. Je me vois passer par-dessus sa tête, je me vois écrabouillé par la douce caresse de ses sabots.
Nétant pas du gendre à attendre que ça tombe (ici ce nest pas juste une expression), je décide de prendre les devants. Lorsque Tequila atteint la vitesse MACH1 (cest limpression que jai), dans ma tête cest décidé : je vais me laisser glisser sur le côté pour éviter le pire. Dans ma tête en panique totale, je cherche la façon de le faire en prenant le minimum de risque. Tas quà croire
Je déchausse les étriers et je me laisse glisser lentement sur le côté droit de Tequila. Et je tombe. Limpact avec le sol est violent. Ma tête heurte le sol et ça fait un bruit sourd et impressionnant dans la bombe. Et je roule dans lherbe. Jai mal aux côtes. Cest tellement douloureux que jai du mal à respirer. Je me demande si je vais perdre connaissance. Je me demande plus que jamais pourquoi jai accepté de monter à cheval. Pourquoi jai fait confiance. Quand je pense quon ma répété mille fois quavec Tequila je ne risquais rien
« Nico ! Nico ! Nico ! » jentends au loin la voix paniquée de Jérém.
« Ca va, Nico ? » il me demande, lorsquil arrive près de moi, la voix et le regard chargés dangoisse.
« Je crois que je suis toujours vivant
».
« Tas mal où ? ».
« Aux côtes
».
« Je suis désolé, tout est de ma faute
je naurais jamais dû te faire monter sans une véritable préparation
» il se morfond.
« Arrête
» je le coupe.
« Comment il va Nico ? » fait JP en descendant de son cheval, la voix calme mais lair grave.
« Jallais mieux avant
».
« Bon, tu nas pas perdu ton humour, cest deja ça
blagues à part, on va appeler le Samu
».
« Oui, on appelle le Samu » répète Jérém qui na pas vraiment lair dans son étant normal.
« Non, attendez un peu
je ne crois pas que ce soit si grave
».
« Tu arrives à bouger ? » se renseigne mon bobrun.
« Oui
ça devrait le faire
».
« Tes sur de toi, Nico ? » fait JP.
« Oui, je crois
».
« On est tous tombés de cheval un jour ou lautre
» fait Carine.
« Quand je pense quon ma répété mille fois quavec Tequila je ne risquais rien
» je tente de rigoler, malgré la douleur aux côtes, tout en essayant de me mettre en position assise.
« Le risque zéro nexiste pas
» fait JP.
« Jai cru comprendre, oui
».
« Heureusement que tavais la bombe
» fait remarquer JP.
« Bon, si tu nas rien de cassé, il te faut remonter en selle de suite. Dans léquitation, il ne faut jamais rester sur un échec
» ma taquine Jérém.
Cest en suivant ce conseil que, dix minutes plus tard, je remonte en selle malgré la douleur aux côtes. Et que je termine ma balade en traversant une dernière région de toute beauté, sur le dos dune Tequila ayant retrouvé tout son calme.
Lorsque nous arrivons à la pension, Patou, le chien de Charlène, nous accueille en aboyant comme un taré. Allez, dégage, ne fais pas peur à Tequila. Mais Tequila, solide comme un roc, pom pom pom pom.
« Comment ça va les côtes ? » me demande Jérém, pour la énième fois.
« Ça va mieux
ça va mieux
».
« Je suis fier de toi, tu tes débrouillé comme un grand
» il me glisse, alors quil arrête son Unico devant un mur avec des anneaux dattache.
Cest là que je réalise que je lai vraiment fait, que jai monté à cheval pour la première fois de ma vie, que je me suis baladé pendant toute une journée, avec mon Jérém. Je suis content de moi, et heureux de sentir sur moi le regard admiratif de mon bobrun.
Nous retrouvons les autres cavaliers et je constate quils terminent la balade de la même façon avec laquelle ils lavaient commencé le matin, c'est-à-dire avec le sourire.
Nous descendons de cheval et Jérém commence aussitôt à desseller. Jessaie den faire de même, mais leffort pour dessangler Tequila réveille ma douleur aux côtes.
« Aie
» je ne peux me retenir.
« Laisse, je vais le faire
» fait Jérém, adorable.
Le bobrun finit de desseller nos chevaux, et nous les ramenons au pré. En remontant, nous passons par lécurie pour déposer les selles et les harnachements. Et là, Jérém matt par la main, il mattire dans un box, il me plaque contre le mur, il me prend dans ses bras et il membrasse fougueusement.
Nous sommes tellement happés par nos effusions, que cela nous empêche dentendre le bruit de pas qui approchent. Nous nous apercevons de sa présence que lorsquelle apparaît sur le seuil du box, le regard abasourdi, lorsquelle tente de se dérober, en lâchant un :
« Oh
pardon
».
Un instant plus tard, alors que Charlène détale à toute vitesse, Jérém relâche illico notre étreinte pour lui courir après, lair paniqué
Jérém&Nico, le Livre !
Jérém : qui est-il ce garçon?
Enfin disponible en format papier et epub !
Après une longue gestation, le premier livre de Jérém&Nico est enfin imprimé et prêt à être expédié.
Ce livre reprend les 40 premiers épisodes de l'histoire, enrichis de nombreux passages piochés dans les épisodes plus récents, lorsque ces derniers sintègrent aux premiers de façon intéressante.
Il en résulte une toute nouvelle structure narrative, allégée et plus cohérente.
Tu peux commander ta copie dédicacée en version papier ou epub (pour liseuse) via la plateforme tipeee.com/jerem-nico-s1.
En achetant le livre papier ou numérique, tu contribues au travail décriture de la suite de laventure Jérém & Nico.
Merci davance pour ta contribution à Jérém et Nico !
Fabien
Jérém&Nico
L'inspiration
« Jérém & Nico est une histoire qui est venue à moi un jour dété, un jour où jai eu lintuition que je devais construire autre chose, réorienter ma vie tel un fleuve creusant un nouveau lit qui ferait dévier son cours ».
L'histoire
Jérémie est un beau brun ténébreux, rugbyman et tombeur de nanas. Son camarade de lycée Nico est un jeune homo à lesprit pur et rêveur.
Pourtant, cest Jérémie qui, lors des révisions pour le bac, initie Nico à lamour physique entre garçons.
Mais alors que Jérémie ne semble intéressé que par le sexe, Nico est fou amoureux de lui. Ainsi, lamour physique avec le beau brun, pourtant explosif, ne lui suffit pas.
Mais qui est réellement Jérémie ? Comment vit-il leurs « révisions » sexuelles avant le bac ? Que ressent-il vraiment pour Nico ?
Quel rôle pour Thibault, le meilleur ami de Jérémie, à qui Nico finira par se confier ?
Lhistoire se déroule à Toulouse entre 2001 et « nos jours ». Cest en effet en 2018 que le Nico adulte raconte ses années lycée et fac.
Nico na jamais pu oublier son Jérém. Bien que depuis tant de temps déjà, leurs vies ne marchent plus ensemble.
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!